J’aimerais vous parler d’Anita Conti, une femme exceptionnelle, pionnière de l’océanographie, également artisane d’art et relieuse d’exception reconnue.
Avouez que ça chatouille la curiosité !
Tous les aventuriers ont des mentors.
On ne part pas en expédition sans s’être construit un récit.
Il faut quelque chose sur quoi s’appuyer, un ancrage philosophique, quelque chose, qui même de loin, fasse modèle.
Dans mon parcours, Anita Conti occupe cette place de guide.
Anita Conti – La Dame de mer
Femme libre, elle chérit la mer ; Dés son plus jeune âge, elle embarque sur des bateaux et voyage partout sur le globe, pêche avec les terre-neuvas, étudie les requins, se fait embaucher par la Marine, fait des rapports sur la pêche au chalut, prend faits et causes contre le gaspillage, donne des conférences, prend la parole dans les médias, élabore une pédagogie pour les pêcheurs, lutte contre la famine, travaille à l’équilibre alimentaire. Longtemps dans l’ombre, attachée au service plus qu’à la gloire, infatigable, Anita sait tout faire. Femme parmi les hommes, elle ne laisse personne lui dicter son chemin.
La curiosité pour guide
Guidée par sa curiosité, son intuition et son talent, elle construit les contours de son autonomie, organise ses savoirs et va toujours plus loin, repoussant l’horizon « qui recule au fur et à mesure où l’on avance ». Sur les bateaux, où elle est la seule femme, elle se fait toute petite, mais ses yeux, grands ouverts, enregistrent tout. Les marins l’apprécient, la respectent, la recommandent. Elle n’aura jamais aucun mal à trouver un navire pour embarquer, même lorsqu’elle n’aura plus de contrat.
Marginale, autonome, allant au gré de ses obsessions et de ses intérêts, elle poursuit sa tâche.
Pionnière
À l’époque, l’océanographie est balbutiante, les outils rudimentaires. Il faut de la force, de l’endurance, de l’entêtement pour sonder les fonds avec des filins de milliers de mètres, lourds et difficiles à manier.
Anita observe, note, collecte, enregistre, classe, analyse. Elle partage la dure vie des marins durant de longues campagnes de pêche et durant la guerre, sur un dragueur de mines. Elle endure le froid, le vent, les tempêtes, la mort.
La Dame de papier
Quand elle n’est pas à bord, à observer les techniques et photographier les marins remonter les filets, elle est dans son atelier parisien et crée des reliures d’exception, caresse le papier et se confronte à la matière et au geste juste pour sauver du péril les objets de sa deuxième et dévorante passion : les livres.
Son travail d’autodidacte est reconnu, innovant, elle fait école. Là aussi, pionnière, elle invente, bricole, fabrique et promeut. Et puisque les livres sont sa passion, elle en écrit elle-même plusieurs, dont un recueil de poésies. En plus de 80 ans de vie, elle élabore lentement une sagesse. Humble, désireuse de travailler à « quelque chose de plus grand que soi », elle observe la mer, les bêtes et les hommes et livre ses réflexions avec élégance, au fil de sa pensée.
Je trouve absolument fascinant la triple articulation qui a mené sa vie. Aventurière, artisane et écrivain, elle a construit un savant équilibre entre l’ivresse du risque, la créativité et l’analyse. Elle a maintenu cet équilibre tout au long de son existence contre vents et marées, c’est le moins que l’on puisse dire !
La dame du phare
Ce serait presque trop…
Sa vie, résumée en quelques lignes appelle l’hagiographie. Tant d’audace et de talent réunis ; le modèle peut paraitre écrasant. Mais ce n’est pas la vie qui est un modèle. Personne ne nous demanderait de la reproduire et d’ailleurs ce ne serait ni possible, ni souhaitable. Sa vie et la substance de cette vie donnent une tendance, une direction, posent des jalons, offrent un éclairage.
Un mentor, ce n’est pas quelqu’un auquel on a envie de ressembler en tous points. C’est peut-être cela au début… Quand on n’a encore aucun repère personnel, on s’appuie sur un modèle et on essaye de découper selon les pointillés. Mais plus tard, on s’aperçoit que le mentor, c’est un collage, un arc narratif, une atmosphère plus que des actes à reproduire, on se sent plus libre d’être différent du modèle, on ne prend plus que ce qui sert vraiment…
Anita Conti, c’est une femme-phare, une femme-lumière, tournée vers la vie, inspirante et inspirée. Une femme de beauté et de caractère, de contrastes, d’évolution…
J’ai eu grand plaisir à écrire ce texte. Je l’ai d’abord écrit pour la Lettre de l’atelier, mais Anita Conti est vraiment une figure importante pour moi, j’avais envie de lui donner une place dans cet univers que je vous propose.
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