Ce qui mue m’émeut

Depuis toujours, un mot me suit, sans faire de bruit : mue.

Il revient dans mes gestes, mes matières, mes choix. C’est un mot simple, mais chargé. Il contient du changement, du sensible, de la perte. Il dit cette chose étrange qu’on vit tous, sans toujours savoir la nommer : quitter une forme pour une autre. Laisser une peau, une habitude, une époque.

Il y a là, pour moi, une émotion profonde. Quelque chose qui serre et qui ouvre en même temps.

Dans mes pièces, je vois cette transformation à l’œuvre. Elle n’est jamais spectaculaire. Elle est lente, souterraine, tissée dans le silence.
Des  Archipels aux jarres en marqueterie de papier, du Simorgh aux Éxuvies (travail en cours), chaque création me permet d’habiter ce mouvement. De le rendre visible, tangible. D’en faire une forme.

Les couleurs comme terrain de mue

On parle souvent de “dégradés”.
Mais ce n’est pas ce que je cherche.
Ce que je cherche, c’est l’impermanence. Le moment où une couleur devient une autre, presque sans qu’on s’en aperçoive.

Ce glissement, ce flottement entre deux états, me bouleverse plus qu’un contraste net.
Il parle de mutation, de doute, de nuances. De cette zone floue où l’on n’est plus tout à fait ce qu’on était, pas encore ce qu’on va devenir.

Dans Reflets, les bleus hésitent, s’appellent, se répondent.
Dans Sengan En, les couleurs forment une topographie intérieure, mouvante.
Dans les mues de Möbius, le passage du noir au vert et ou bleu raconte un processus vivant. Une progression presque cellulaire.

Ces transitions ne sont pas décoratives. Elles sont des états de passage.
Et elles me permettent de donner une forme à l’émotion du changement.


Un travail de résilience lente

Créer, pour moi, c’est une manière de traverser.
D’apprivoiser le temps, l’incertitude, le flou.
C’est un travail de résilience, souvent invisible.
Je ne cherche pas à figer. Je cherche à comprendre ce qui bouge, ce qui cède, ce qui renaît autrement.

Chaque pièce devient ainsi un fragment d’un récit plus large : celui de nos métamorphoses, de nos adaptations, de nos zones d’ombre et de lumière.


Continuer à muer

Je ne sais pas exactement où tout cela mène.
Mais je sens que ça me déplace.
Et qu’à travers les fils, les nœuds, les couches de couleurs, je continue d’apprendre à accompagner la transformation — en moi, autour de moi.

Si toi aussi tu sens que ça bouge, même doucement, même sans mots… alors peut-être que tu es, toi aussi, dans ta propre mue…

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